La neutralité ou la mort

Quelle époque. Les crises se suivent et se ressemblent avec une nouveauté cette année : une multi-factorialité sanitaire, économique et sociale. Comme un nom de smartphone à la mode, le Covid19 a marqué tous les esprits.

Pendant que les écolos espéraient une prise de conscience générale et voyaient l'occasion de se radicaliser, les pro-croissance, quant à eux, y ont vu une occasion de se remonter les manches, mettre les bouchées doubles pour reconstruire la société en tirant "toutes les leçons".

En France, alors que le Covid19 bat encore de tristes records au niveau mondial, on commence à retrouver "la vie d'avant", retourner au ciné, au sport, oser se projeter "comme avant" mais avec un sentiment d'angoisse sous-jacent. Car les PIB sont en chute libre et les indices sont catastrophiques. On ne compte plus les articles prédicteurs d'un tremblement de Terre économique, les pertes d'activité ou de compétitivité, les liquidations d'entreprises qui en découleront, l'envolée du chômage et par extension de la pauvreté.

En parlant d'économie, l’anthropologue David Graeber, père du concept de BullshitJobs, parle aujourd’hui d’une bullshit economy. Il pense que l’économie, pour avoir un sens réel et tangible doit donner les moyens aux êtres humains de prendre soin les uns des autres, et rester vivants, dans tous les sens du terme. C'est étonnement une phrase d'une évidence naïve et en même temps très lointaine des objectifs du système capitaliste.

NOUS SOMMES DÉPASSÉS

Notre président a plusieurs fois utilisé le terme Guerre pour parler de cette période de crise et cette date anniversaire du 22 Juin résonne étrangement cette année. Au retour de tous les élèves à l'école et donc des parents au travail, il plane en effet un air d'Armistice "à la Pétain". Ce genre d'Armistice forcé, guidé par la peur et qui ne peut déboucher sur un traité de paix car il implique trop de sacrifices et bafoue des valeurs trop importantes.

La réalité, c'est que nous sommes dépassés. Quel qu'en soit le niveau. En tant qu'individus évidemment, mais tout autant en tant qu'entreprises, municipalités, régions et visiblement encore plus en tant qu'états. On essaye de comprendre mais à priori, personne n'a de solution qui fasse consensus, chacun a ses présomptions d'imputabilités et ses détracteurs. Chacun porte sur ses épaules un devoir qui le dépasse totalement, qu'il est incapable de traiter individuellement. Le drame environnemental n'est pas nouveau mais gagne en intensité à mesure que les années, les catastrophes, les crises et leurs sommets passent. Il divise nos sociétés, accentue les inégalités et déstabilise nos institutions.

Il y a tout de même de bonnes nouvelles derrière tout ça et il faut garder espoir, le monde avance à son rythme. La Convention Citoyenne pour le Climat, par exemple, vient de finir un travail de 9 mois proposant au président Macron 149 propositions pour diminuer de 40% les émissions de gaz à effet de serre en 10 ans. L'enjeu et la mission est tellement grande que tous les domaines sont cruciaux avec en tête de file la consommation, l'alimentation, les transports, le logement, le travail, le numérique.

Toutes les générations sont appelées à faire non pas des réformes mais une révolution.
Cette convention citoyenne a évidemment ses détracteurs qui lui trouve des failles sur le fond ou la forme mais elle a produit un travail considérable.

Comme l'explique cette proposition de la convention, en tant que professionnel, nous allons devoir mesurer notre bilan carbone et atteindre la neutralité carbone aussi difficile que cela puisse être ou simplement accepter d'arrêter notre activité. Cela passera à la fois par un travail plus long d'optimisation des sites et applications crées par notre équipe mais cela passera aussi par un choix encore plus exigeant de nos partenaires, fournisseurs, hébergeurs, logiciels, banque et clients : au de-là de l'éthique, chaque partenaire entre dans le bilan carbone de la société et chacun doit être dans une démarche responsable.

En tout cas, une chose semble claire, ensemble, nous pouvons faire de grandes choses mais nous devons être conscient de la montagne qui se dresse devant nous. L'ennemi n'est pas le nazisme cette fois-ci, c'est l'individualisme. J'entends déjà Macron dire "Oui voilà, qui seront les premiers de cordée". Non ! Nous ne gravirons pas la montagne ni-même ne la déplacerons. Nous devons avoir la sagesse, l'humilité et l'audace de faire machine arrière et j'aime à croire que c'est l'énergie de nos liens sociaux, de nos communautés qui nous donnera la force et le courage pour réaliser cette révolution sur nous-même.