La rage de vaincre ✊

La rage de vaincre ✊

Aujourd'hui est un grand jour pour moi. J'ai compris que je souhaitais m'engager à protéger le vivant. Cela fait désormais quelques années que je prends conscience doucement de la catastrophe qui se joue devant moi et je ne peux plus perdre de temps : je dois m'engager dans le combat de ma vie !

Dans certaines discussions sur les guerres ou révolutions du passé, je me demande toujours comment j'aurais réagi. Par exemple, si j'étais né en 1850 à Paris, me serais-je battu en 1871 pour la commune ? Si j'étais né en 1917 cette fois-ci, comme mon arrière-grand-père ou son fils, ces résistants déportés et morts à Auschwitz, aurais-je collaboré ou me serais-je moi aussi engagé dans la résistance durant la 2ème guerre mondiale ? J'ai toujours été persuadé que je me serais battu mais comment le savoir réellement ? Je ne me suis jamais réellement engagé dans une action de résistance. Mes seules périodes rebelles sont désormais de lointains souvenirs et je ne suis même pas certain que les causes en valaient la chandelle, d'ailleurs je pense aujourd'hui que j'avais juste besoin de me rebeller pour m'affirmer, une banale adolescence difficile.

Alors certes l'ennemi n'est pas forcément aussi identifiable que les nazis mais n'y a-t-il pas de combats à mener aujourd'hui ? Devant la faim, la pauvreté extrême à laquelle notre monde fait face, les famines, les épidémies, devant les violences faites à certaines populations, aux femmes, aux enfants, aux homosexuels... Devant autant de sujets horribles, ai-je simplement le droit de profiter de ma situation quand des personnes souffrent dans l'ombre de mon indifférence ?

Quel homme suis-je ? Quel exemple et quelles valeurs pour mes enfants ? N'ai-je donc aucune dignité ? Ne suis-je donc qu'un petit être égoïste, individualiste et incapable de se battre pour quelqu'un d'autre que mon petit cercle ami-famille ?

C'est au contact d'Amnesty International que j'ai la chance d'accompagner depuis janvier 2019 où je me suis interrogé sur mon inaction militante. Leur action a du sens, ils défendent les droits humains. Ils n'acceptent aucun compromis car la cause est forte et évidente. Leur "rage de vaincre" m'a réveillée. Leur raison d'être est belle, forte et digne et elle s'est mise à résonner en moi, occupant un vide dont j'ignorais l'existence. J'ai soudainement pris conscience qu'être engagé, militant, demandait intransigeance, détermination, énergie et audace qui sont autant de qualités qui me sont chères.

Devant la crise qui s'annonce depuis quelques décennies, je me pose la question de comment je souhaite utiliser le temps qu'il me reste. En termes d'échéances, c'est désormais du moyen terme. Le Giec sonnait à nouveau la sonnette d'alarme et annonçait dans le rapport de 2018 que selon les trajectoires, la situation sera irréversible en 2028. Si nos sociétés ne se révolutionnent pas maintenant sur la consommation et la pollution, ce qui n'en prend pas la trajectoire, nous ne pourrions plus éviter la 6ème extinction de masse de l'Histoire de la Terre. La dernière extinction s'est produite il y a 65 Millions d'années et avait éradiqué 50% des espèces dont nos amis les dinosaures... visiblement, d'après le rapport de l'IPBES, le bilan devrait être encore plus lourd cette fois-ci puisqu'il y a plus d'un million d'espèce menacé d'extinction à cause de la déforestation, l'agriculture intensive, la surpêche, le réchauffement climatique, l'urbanisation galopante et les mines... 75% de l’environnement terrestre a déjà été “gravement altéré” par les activités humaines et 66% de l’environnement marin a également déjà été touché... Les scientifiques expliquent que sans une révolution générale des sociétés et à effet immédiat, le bilan va s'alourdir... Mais d'après ces rapports, quand la majorité des espèces s'apprêterait à disparaitre dans les toutes prochaines décennies, l'espèce humaine pourrait survivre avec néanmoins un équilibre géopolitique complètement chamboulé et la qualité de la vie sur Terre largement dégradée. Le symbole d'une espèce damnée.

Nous subirons l'angoissante montée des eaux, les catastrophes naturelles entre incendies, inondations, ouragans... L'Homme souffrira des famines et des épidémies liées aux problèmes sanitaires de nos sociétés en déclin et aux virus millénaires comme l'anthrax, varioles et cie qui se répandraient quand le permafrost fondera... Nous manquerons d'eau potable, la pauvreté qui nous touchera tous et les guerres de territoire feront rage, inexorablement.

Il y a plusieurs manières de réagir devant un tel constat, un tel futur :

  • Négation : peut-être que finalement, rien de tout cela n'est vrai, il y a des chances pour que (tous) les scientifiques se trompent
  • Progressisme : la science va vite, l'humanité est superbe, les cerveaux les plus puissants du monde planchent (certainement) sur le sujet, on fait des progrès incroyables chaque jour donc faisons confiance et ne nous alarmons pas, que pouvons-nous faire d'autre de toute manière ?
  • Fatalisme : c'est trop tard, on y échappera plus, cela fait plusieurs décennies que certains lanceurs d'alertes se sont exprimés, rien n'a réellement évolué, les Hommes sont attirés par l'argent et le pouvoir et rien ne pourra endiguer le processus donc profitons de ce qu'on peut et pensons-y le moins possible
  • Résistance : trop tard ou non, tout ce qu'on pourra faire pour limiter le dérèglement climatique doit être fait, à n'importe quel prix. Celui du confort de nos vies, par l'abandon de certains rêves, de la tranquillité, de notre doux droit à la passivité etc. mais aussi celui du prix réel de nos vies que nous devrions donner pour sauver les espèces dont nous sommes les responsables solidaires de leur affreuse extinction.

Je vais passer du stade Progressisme à celui de Résistance. J'espère ne jamais perdre la foi qui m'anime aujourd'hui en tombant dans le fatalisme dont l'approche séduisante promet légereté, profit et repos.

À suivre...