Smarter than phones

Ça y est, je viens de faire le choix le plus difficile que j'ai eu à faire depuis que je suis devenu végétarien, abandonner l'usage d'un smartphone. À cause de quelques chutes, mon smartphone a rendu l'âme après 7 ans de bons et loyaux services : il ne se rechargeait plus que par induction depuis 2 ans, l'écran ne s'allumait plus qu'après quelques minutes, mais je réussissais, tant bien que mal, à le faire assurer le service minimum.

Qu'est-ce que j'ai pu aimer ce téléphone, mon Galaxy S6 Edge +. Je l'avais acheté très cher en 2015, mais qu'est-ce qu'il était cool, un sacré compagnon faisant des photos incroyables, me permettant une grande réactivité dans mon métier d'entrepreneur, d'accéder rapidement à toutes mes applications et me donnant également un statut social.

Il est HS depuis quelques semaines et j'ai été mis face à un énorme dilemme, celui de le remplacer ou non. Vous l'aurez compris, la réponse est non mais je pense que c'est important de décomposer cette prise de décision à la fois pour expliquer rationnellement ce choix mais aussi car j'aime comprendre les mécanismes qui nous dirigent et nous orientent, ces fameux biais cognitifs qui empêchent une pensée rationnelle de s'imposer.

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À quoi mon smartphone me servait vraiment ?

La liste n'est pas si longue, voici concrètement mes utilisations principales :

  1. Appels et SMS (à priori indispensable)
  2. Partage de connexion / point d'accès pour travailler en itinérance (très utile)
  3. Messagerie instantanée type Whatsapp, telegram, signal, Element.. (rude, nécessite pour la plupart d'abandonner ces communautés)
  4. Internet & mails en itinérance (utile mais optionnel)
  5. Apps Facebook / Linkedin / Twitter / Youtube (utile mais optionnel)
  6. Double authentification des banques et autres services sensibles (alternative SMS).‌‌‌‌Précemment :
  7. Jeu: Dans le passé, j'ai eu une période assez longue, je le reconnais, où je jouais aussi énormément avec Clash Royale par ex. Je me souviens quelle drogue c'était et quelle perte de temps aussi !
  8. GPS: ne prenant plus la voiture, je ne l'utilise plus depuis quelques temps. Quand on prend une voiture, on a désormais un guide de la route, à l'ancienne, mais efficace et quand c'est un lieu plus précis, on anticipe, à l'ancienne également, mais avec internet généralement. De plus, on retient les itinéraires plus facilement quand on ne suit pas aveuglément son GPS. En tout cas, je crois que j'ai un GPS qui traîne quelque part donc si jamais j'avais une angoisse un jour, je pourrais brancher Tomtom !
  9. Appareil photo: je l'ai utilisé les 5 premières années mais depuis, il ne fonctionnait plus très bien et on est passé désormais à des photos avec un vrai appareil photo, c'est plus encombrant mais ça n'a rien à voir non plus en terme de qualité.

Quel est l'impact d'un smartphone ?

Après avoir fait l'inventaire des services qu'un smartphone rend, il est important de rappeler les différents impacts d'un smartphone et je vous conseille d'aller voir cette infographie faite par l'Ademe, notre agence de la transition écologique : https://multimedia.ademe.fr/infographies/smartphone-version-ademe/

Sinon, voici un petit résumé :

Impact environnemental

  1. nécessite une exploitation massive de mine (pour fabriquer un smartphone, jusqu'à 70 matériaux et 50 types de métaux dont certains sont précieux et rares sont nécessaires, 500x le poids final en matériaux) Plus d'info sur les métaux
  2. 4x le tour du monde en émissions de gaz à effets de serre pour la construction d'un smartphone
  3. 1 tonne de métaux génère 1 tonne de déchets radioactifs + destruction/pollution des écosystèmes (sols, air, eau) & 75000m³ d'eau acide 😨
  4. 14% seulement des smartphones en fin de vie se fait recycler

Impact social

  1. graves instabilités dans les zones d'extraction
  2. esclavage / travail forcé (40 000 enfants travailleraient dans les belles mines du Congo... quarante putain de milles enfants selon un rapport de l'Unicef)
  3. 100 000 "creuseurs" sont exposés à d’importants risques (maladies respiratoires, accidents, malformation des nourrissons,…), taux de mort par cancer plus de 70%

Impact sur nous : tous·tes accrocs

  1. nomophobie (peur d'être séparé de son smartphone)
  2. 50% des français·es consulte son mobile toutes les 10 minutes et prend son smartphone pour aller aux toilettes
  3. âge moyen du premier smartphone: 9,9 ans
  4. changement moyen de smartphone : < 3 ans
  5. temps moyen passé sur internet par semaine en France: 19h (p157 du rapport CREDOC 2021) 😔

À ça, j'ajoute également le prix moyen d'un smartphone de 446 € (source) + le prix moyen des forfaits téléphone 19,17€ (source) dans un monde en crise, que les smartphones sont vecteurs de cyberharcèlement et facilitent l’accès aux images violentes, notamment pornographiques et qu'ils sont, pour ces excellentes raisons, tout bonnement interdits dans les écoles et les collèges (source).

Parents, si vous voulez que votre enfant aient un téléphone pour des raisons de sécurité, achetez-lui éventuellement un ... téléphone (pas un smartphone) ou mieux, ne faites absolument rien, votre enfant se débrouillera toujours. Et si votre petit·e chéri·e insiste prétextant que c'est un marqueur social, qu'ielle est le/la seul·e à ne pas en avoir dans sa classe, rappelez-vous une chose : c'est faux (quelle que soit sa classe. Profitez de cette occasion pour poser ou relancer une belle discussion éducative sur tout ce sujet.

Et pour finir, on pourrait parler des différents problèmes autour de la vie privée et de l'espionnage:

extrait du résumé des révélations d'Edward Snowden : "la NSA et le GCHQ peuvent espionner les principales données des smartphones iPhone d'Apple, BlackBerry de RIM (depuis mars 2010) et Android de Google, incluant notamment les SMS, les listes de contacts, les notes et les coordonnées GPS."

Cool tout ça n'est-ce pas ?


Alors voilà, je crois qu'on peut résolument se dire qu'avoir un équipement de haute technologie dans sa poche pour accéder aux réseaux sociaux, c'est incroyable, mais en acceptant la réalité, on devrait vite arriver à la conclusion rationnelle que c'est incompatible avec n'importe quel système de valeur. Je peux clairement accepter d'attendre d'être sur un ordinateur pour accéder à internet et à mes mails.

OK je suis convaincu, mais comment faire concrètement ?

Personnellement, je viens de m'acheter un téléphone simple, un Nokia N105 à 24€, je pense qu'il y a même moyen d'en acheter un d'occasion ou reconditionné, c'est mieux quand même. En tout cas, entre 15 et 20 jours d'autonomie selon le niveau d'utilisation, je devrai moins être en stress sur le niveau de batterie de mon téléphone !

Concernant le partage de connexion, même si je suis dans le métier, je pense que je peux réellement m'en passer. En effet, c'est quand même rare les moments où je suis dans des lieux sans internet. Je me suis aussi dit que si cela devait arriver plus souvent, je pourrais acquérir une clé 4G, ça ne coûte pas très cher et ça fait le boulot (avec n'importe quelle carte SIM). Mais, je le redis, pour l'instant, je vais en profiter pour plus lire dans le train, c'est pas mal non plus comme effet rebond positif.

Concernant les apps de communication, c'est à priori ce sur quoi il faut lâcher prise. En effet, famille, amis, collègues, camarades militants, quasi tout le monde est sur Whatsapp, telegram ou signal... Je passerai à côté de certaines infos et celles qui me sont vraiment directement destinées sauront me trouver. Je vais prévenir tout le monde petit à petit, ciao Whatsapp, je rêvais de faire ça depuis tellement longtemps !!

Je ne suis pas (si) important. Et vous non plus.

Médecin, infirmier·ère, pompier·ère, ministre, préfet·e, gendarme... que ces métiers pendant une période de garde / astreinte / tournée, soit équipés d'un smartphone, ça pourrait sembler logique. Que chacun·e de nous le soit, non; Et même pour ces métiers, un outil aussi précieux pourrait être mutualisé, même pour ces professions. Peut-être même que pour la plupart, l'usage d'un smartphone pourrait être interrogé, un simple téléphone (ou beaucoup plus low-tech pourrait) suffire.

Je ne suis pas si important et je crois que c'est là un des nœuds de notre problème, vous me direz ce que vous en pensez. Je me crois important, unique, et très souvent, sans toujours m'en rendre compte, quand je m'interroge sur quelque chose dans mon mode de vie qui ne va pas, je tente de m'auto-persuader que j'en ai besoin pour faire bien ce que je fais. Pour mon smartphone, c'était parce que je prenais le train et que j'avais besoin d'internet pour développer Communo (mon projet de mutualisation) ou bien pour garder le lien avec les mouvements militants qui me tiennent à cœur ou bien... ou bien ... ou bien... mon imagination est débordante quand il s'agit de trouver des excuses !

D'où peut donc venir cette forme d'égo-centrisme, cette croyance partagée par des millions de personnes occidentales d'être aussi importantes. Je veux dire, évidemment que chaque vie est importante, mais pas à n'importe quel prix, il est grand temps de redescendre un peu et de traiter de la même manière la vie, quelle que soit sa forme, sa couleur, son espèce, son lieu de vie.

C'est fou, mais je crois que ça date de la déclaration des droits de l'Homme de 1789, on a dit que tous les hommes naissaient libres et égaux en droit... C'était bon, le peuple souffrait, on avait besoin d'égalité, mais pas de tous·tes se prendre pour le roi ! Comme le faisait la version de 1795, notamment via article 4 qui disait : « Nul n'est bon citoyen, s'il n'est bon fils, bon père, bon frère, bon ami, bon époux », je crois qu'on aurait grand besoin d'une évolution de la DDHC pour définir les devoirs de l'Homme et du citoyen non pas envers les siens, mais envers la vie sur Terre, l'humanité toute entière mais aussi notre environnement, notre climat et nos écosystèmes.


Et vous, réelle importance ou déni ? Quels sont vos freins ou bonnes excuses pour ne pas arrêter ?

Je vous laisse avec une petite phrase quasi mantrique pour moi :

« Si, lorsque c'est contraignant, vous n'agissez pas pour vos valeurs, c'est probablement que ce ne sont pas encore des valeurs »‌‌Kim Goodwin